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DORA JAR

Dora Jar

Depuis aussi longtemps qu’elle s’en souvienne, Dora Jar a toujours été en proie à des questionnements existentiels. Ayant grandi avec des parents créatifs et une sœur ayant des besoins spécifiques dans la banlieue du nord de la Californie, elle s’est très tôt sentie consciente de sa différence. « Pourquoi les choses sont-elles comme elles sont ? » se demandait-elle souvent. En 2022, cette question est revenue en force lorsque sa carrière musicale, encore naissante, a explosé du jour au lendemain après que Billie Eilish lui a demandé d’assurer la première partie de sa tournée en arène. « J’ai ressenti un énorme syndrome de l’imposteur. C’était un mélange entre une immense gratitude et l’impression de ne pas du tout mériter ça », raconte-t-elle. « J’avais l’impression de sauter beaucoup d’étapes. Aujourd’hui, j’ai l’impression de revenir en arrière et de recommencer à zéro. »

Ce nouveau départ se concrétise avec son tout premier album tant attendu, No Way To Relax When You Are On Fire, mais aussi par une plongée en profondeur dans ses questionnements existentiels à travers cette interrogation : « Qui suis-je ? » C’est la première phrase qui ouvre cette fantaisie pop sombre, riche et pleine d’imaginaire, où elle fait apparaître cette question comme un nuage de fumée échappé de la bouche du sage chenille d’Alice au pays des merveilles. À travers 13 morceaux, elle n’arrive pas à une réponse unique. Mais ce qu’elle met en lumière, c’est son talent à glisser hors des cases, défiant l’industrie musicale et son besoin de catégorisation facile. « C’est peut-être mon côté contradictoire, à une époque où tout le monde cherche à se définir et à identifier les autres, mais je n’ai jamais voulu me cantonner à un seul son ou à une seule identité », explique-t-elle. « J’aime me métamorphoser. »

Cette philosophie a littéralement façonné l’album, enregistré au fil des deux dernières années dans une multitude d’endroits : la Pologne, l’Alaska, la Californie et le Mississippi (où Dora séjournait alors pour construire une cabane en torchis). La liste de ses collaborateurs est tout aussi éclectique, avec des producteurs comme Ralph Castelli (glaive), Henry Kwapis (Dominic Fike, Dijon), George Daniel (The 1975, Charli XCX) et Rostam Batmanglij (Vampire Weekend, Clairo).

Toutes ces influences et ces lieux confèrent à l’album l’aspect d’un collage. Les morceaux naviguent avec énergie entre folk aérien, rock, pop psychédélique (sa signature) et ballades apaisantes écrites lors d’une nuit sombre de l’âme. Mais ce qui relie l’ensemble et le rend cohérent, c’est l’écriture vive et surréaliste de Dora, qui transforme son esprit en « un étranger flou » croisé dans la rue et tisse des maximes comme : « Une eau agitée reste de l’eau, peu importe son mouvement. » Si ces paroles peuvent sembler abstraites à la première écoute, elle assure qu’elles comptent parmi les plus personnelles qu’elle ait écrites : « Il y a toujours un sens caché dans la métaphore. Il devient clair après quelques écoutes, lorsque la vulnérabilité se révèle. »

Fait notable, Dora joue elle-même toutes les parties de guitare acoustique sur l’album, un instrument auquel elle revient toujours, quelle que soit la direction prise par la production.

L’un des déclencheurs de cette introspection fut l’écriture du morceau-titre No Way To Relax When You Are On Fire. L’idée lui est venue peu après la fin de sa tournée avec Billie Eilish, une expérience à la fois exaltante et terrifiante. Pour Dora, c’était un véritable paradoxe. « Être en feu peut être une sensation incroyable : je suis en feu. Je suis productive. J’ai confiance en moi. Je suis géniale », dit-elle. « Mais il y a aussi ce côté “Je panique complètement, je ne sais pas quoi faire de toute cette énergie.” »

Ainsi, on peut voir No Way To Relax When You Are On Fire comme la tentative d’une existentialiste pour assimiler un grand bouleversement. Après l’incendie, elle ignore encore ce qui poussera dans les cendres, mais elle peut au moins cultiver les parties d’elle-même qu’elle comprend : qui elle était, qui elle est. Elle est à la fois une poupée de chiffon et une marionnette, une sorcière mélancolique noyée dans ses sentiments, une figure à la Magicien d’Oz, dirigeant tout en restant cachée derrière un rideau. Son identité change selon les jours, les heures et les humeurs, mais au fond, c’est toujours elle. « Peu importe où le vent me porte, j’y vais », chante-t-elle dans Sometimes All Ways.

C’est une ambition audacieuse pour un premier album, mais si Dora Jar a prouvé une chose jusqu’ici — en attirant déjà l’admiration d’Olivia Rodrigo, Charli XCX et The 1975 —, c’est qu’elle n’est pas là pour choisir la voie facile. « Si ma musique peut aider les gens à s’enthousiasmer pour les mystères de leur vie et les rendre plus curieux, alors c’est une chose merveilleuse », conclut-elle.

Dora Jar - She Loves Me

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